Le Pourquoi du Comment
Nos parents ne sont ni écologistes, ni terroristes, ni végétaliens, ni militants. Nous sommes nés au plein coeur du système comme la plupart des gens en France. On a eu des tas de jouets en plastiques Made in China, on voulait les mêmes vêtements que nos camarades de classes, on a été nourris de légumes pesticidés, de viande aux "antibio" et de biscuits blindés à l'huile de palme, de colorants artificiels et de conservateurs. On nous emmenait chez le dentiste nous faire des plombages au mercure. On nous a tartiné de crème hydratante au methylparaben. On nous a donné du sucre et du blé trop tôt, on nous a fait du poisson pané, des frites et on nous emmenait chez Macdo. On nous achetait des dessins animés et des jeux vidéos. On est nés dans l'abondance, l'excès, l'inconscience.
On ne nous a jamais appris ce qu'était la Terre, comment produire sa nourriture, s'intéresser à la différence, aux alternatives. On nous déposait à l'école, chez la nounou et on voyait nos parents fatigués le soir, se crier dessus assez souvent. On nous a poussé à avoir notre Bac et à faire comme tout le monde. Bien travailler à l'école, trouver un bon boulot pour avoir une bonne situation.
Le mot d'ordre : Réussir.
Difficile à suivre lorsque l'on souhaite seulement s'accomplir.
En même temps, c'est bien le rôle que l'on donne aux parents dans nos sociétés occidentales. Nous n'en voulons pas à nos parents car ils étaient en « plein dedans », en plein dans la publicité , le « réussir son bébé », acheter, consommer, acquérir, posséder, amasser, jeter, changer, racheter...
On pourrait continuer sur la même lancée et faire de même avec nos enfants, si on suit le chemin que nous trace le système: Ne pas se poser de questions, trouver un CDI déplaisant, s'en contenter en se disant qu'il y a pire, faire des enfants, les mettre à l'école, travailler pendant que nos enfants sont « éduqués », faire un crédit sur 35 ans, faire construire une maison, acheter des meubles, remplir la maison. Acheter, acheter, pour amasser, se remplir de choses, assurer ces objets pour être sûr que l'on ne risque rien et travailler pour rembourser tous ces objets et toutes ces assurances. Réussir socialement.
Et bien cette façon de pensée et de faire ne nous correspond pas. Nous n'avons qu'une seule vie, qu'une courte et furtive existence et on ne peut pas la vivre en suivant ce schéma qui ne nous intéresse pas. Que d'autres puissent s'y complaire et y trouver le bonheur, tant mieux pour eux. En ce qui nous concerne, ça nous est totalement inconcevable. Certains seront comblés d'acquérir et ne se sentiront pas emprisonnés par un crédit et des dettes. Alors que pour nous, c'est impensable de faire des crédits aussi énormes. Nous sommes différents et nous avons des aspirations différentes, c'est bien cela qu'il faut comprendre. Bien sûr , nous restons des petits consommateurs et nous avons une forme de matérialisme, nous sommes attachés à certains objets, à un certain petit confort. Mais il y a un équilibre à trouver dans cette surabondance et cet excès de toujours vouloir plus.
A 13 ans, j'ai commencé à m'intéresser à One Voice, association de protection des animaux, qui lutte contre l'exploitation animale. Pendant que les adolescentes de mon âge achetaient du maquillage, je lisais des rapports sur les tests effectués sur les animaux, les souffrances endurées pour du rouge à lèvre ou des crèmes dépilatoires.J'ai commencé à acheter des cosmétiques non testés sur les animaux.
A 15 ans j'étais écoeurée du genre humain. J'avais la sensation (bien réelle) que tout le monde se foutait des conséquences du fonctionnement de ce système. Je me sentais affreusement seule et déprimée. J'ai regardé des tas et des tonnes de reportages sur l'élevage intensif, l'industrialisation de la viande, la souffrance des animaux...et je suis devenue végétarienne.
A 18 ans, j'ai commencé des études de Philosophie. J'ai commencé à lire des Essais, à remettre en question les préjugés, les croyances établies. Je me suis intéressée de plus près à l'écologie.
Puis j'ai découvert Krishnamurti, Pierre Rabhi, des films percutants et engagés : Solutions locales pour un désordre global, Nos enfants nous accuseront, Le Syndrôme du Titanic, Notre Pain quotidien, Sous les pavés la Terre, la Belle verte...
Vers 20 ans j'ai commencé à m'intéresser à l'agriculture saine, j'ai travaillé en magasin bio et j'ai commencé à manger des produits non traités et non OGM. J'ai visionné des reportages sur les pesticides, les cancers, la pollution des sols et des mers... un désastre planétaire. Fin 2012 je vais commencer une formation en Naturopathie.
Depuis mes 15 ans, je refuse ce système que l'on nous propose. Je suis bien forcée de faire avec, de vivre dedans, mais je ne veux pas être une victime et croire que l'on ne peut rien faire. C'est totalement faux de croire que l'on ne peut pas changer les choses. Beaucoup de personnes autour de moi me sortent cette phrase si facile, si vide de sens
" Et tu crois que tu vas changer le monde? "
d'un air moqueur. Bien sûr que le monde ne va pas changer d'un coup parce que je ne mange pas de viande et que je fais attention à ce que j'achète. Certes, demain la faim dans le monde ne va pas se stopper. Mais je contribue au changement, et c'est déjà beaucoup. C'est bien cela que beaucoup de personnes ont du mal à comprendre. Pour beaucoup , le système est si énorme, si écrasant que nous n'avons aucun pouvoir. Pour moi cela est totalement faux et cache une certaine paresse à agir. Alors oui, pour certains, mes choix éthiques au quotidien semblent totalement dérisoires, inutiles. Mais je fais ma part. Si de plus en plus de personnes prennent conscience de leur pouvoir, décident d'agir mieux, alors le monde changera. Le changement commence par soi et personne d'autre. Il ne faut pas croire qu'un homme politique vienne tout changer du jour au lendemain, cela me semble beaucoup plus illusoire. C'est nous qui pouvons créer le changement, nous seuls. Nous avons le pouvoir de faire bouger les choses de là où nous sommes.
Nous sommes acteurs de notre existence.
« Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri s'active, allant chercher quelques gouttes d'eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d'un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : « Colibri ! Tu n'es pas fou ? Tu crois que c'est avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu ? » « Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part » .
Je veux faire au mieux à l'intérieur. Minimiser mes déchêts, ne pas cautionner l'agriculture intensive, ne pas acheter de produits ménagers chimiques, de cosmétiques testés qui engendrent la souffrance.
Bien sûr, je pollue : J'utilise une voiture, mes fringues ne sont pas fabriquées en France, mon ordi et mon mini frigo fonctionnent via les centrales nucléaires. Même si je les minimise, je crée des déchêts. Cependant, je m'efforce chaque jour de m'améliorer et d'agir justement. J'essaye de tendre vers un mode de vie plus sain, plus juste, plus respectueux. Et ce n'est pas tous les jours facile lorsque l'on vit au coeur de ce système.
Je préfère 1000 fois tendre vers une éthique de vie et être parfois en contradiction avec mes convictions (on n'est pas parfait !) que de ne pas essayer d'être morale.
Par exemple, j'achète bio mais la plupart du temps lorsque je mange chez les autres je ne mange pas bio, c'est une contradiction, mais j'ai fait le choix de ne pas devenir asociable. C'est facile de se moquer des gens comme nous, qui font des efforts pour surmonter des dilemmes entre ce que nous propose la société et ce que nous voulons réellement faire. Dès que l'on fait un petit écart, on ne tarde pas à pointer du doigt nos contradictions. C'est si facile pour ceux qui n'ont aucune envie de s'améliorer, de réfléchir, d'avancer, de donner sens à leurs actes. La critique est simple. S'efforcer d'avoir une morale, lorsque l'on est né au coeur d'un système qui n'a d'autre loi que le profit, et de l'appliquer, c'est autre chose. J'essaye de ne plus écouter les mauvaises langues, ou du moins d'y être indifférente. Ce qui n'est pas facile, puisqu'elles déclenchent le besoin irrépressible de se justifier!
Bien sûr nous sommes parfois en contradiction, mais le changement n'est pas immédiat, c'est tout un processus et nous suivons le cheminement en tentant de nous améliorer.
Acheter, c'est cautionner
Si je ne trouve pas de tomates bio, et bien je n'en mange pas. J'ai commencé à prendre conscience qu'acheter, c'est cautionner. Acheter des produits issus de l'agriculture intensive, c'est cautionner la mort des petites structures d'agriculteurs. Acheter de la viande en supermarché c'est cautionner à chaque bouchée la souffrance d'un animal qui a été élevé dans des conditions insalubres pour finir dans nos bouches. Acheter des gâteaux avec de l'huile de palme(non biologique) c'est cautionner la déforestation. Acheter des produits qui ne sont pas bio, c'est cautionner les pesticides, les engrais chimiques qui vont polluer les nappes phréatiques et les mers...et cautionner d'augmenter ses chances d'avoir un cancer...
Je m'efforce d'aller à contre courant et c'est parfois décourageant lorsque les gens ne comprennent pas l'intérêt de protéger la planète sur laquelle on vit, la terre qui nous nourrit, celle que nous laisserons à nos enfants. Les gens parlent de bien et de mal, se réfèrent aux lois, ont peur des gendarmes et ils appellent ça avoir une morale. Pour moi avoir une morale, c'est se dicter des règles de vie et tenter de les appliquer au mieux au quotidien. Etre moral, en somme, c'est avoir une éthique de vie. Donner un sens profond à son existence et à ses actes. Comme le disait si bien Gandhi:
Sois le changement que tu veux voir en ce monde